Je n’ai pas oublié les années où j’enchaînais les côtes et les cols. Pauvre fou sous des températures caniculaires, rien ne m’arrêtait alors. Je me prenais pour ces matadors de la petite reine ; Virenque ou Jalabert. Sauf que je tournais aux boissons au mieux vitaminées et à l’eau pendant qu’eux – on le su plus tard – tournaient à l’EPO. Quoi de mieux dans le récit de « La fille qui voyage au-delà des mers » d’introduire deux éléments majeurs de ma vie : la montagne et le vélo.
La montagne pouvait impressionner quand on ne la connaissait pas. Inamovible, elle grossissait à mesure que l’on s’approchait. Vue de loin, elle faisait décor de carte postale, puis on commençait à monter ses flancs et l’on voyait partout des arbres, bien plus nombreux – en fin de compte – que les êtres humains. La discussion commença de manière banale, beaucoup de choses pour elle étaient nouvelles. Certaines pratiques, qui pour nous étaient courantes, ne l’étaient pas forcément ailleurs.
— Il y en a qui montent à vélo ?!
J’acquiesçais de la tête. Il y avait des êtres assez fous pour grimper les pentes abruptes de Belledonne. J’en avais fait partie autrefois, dans mon autre vie, celle dont j’avais définitivement tourné la page. On ne s’élevait pas que pour l’effort physique, la dimension mentale comptait elle aussi. On perdait des litres de sueur pour parvenir au sommet d’un col, conquérir une part de gloire dans la souffrance. Je l’ai fait, pouvait-on s’enorgueillir. Une lutte contre soi en même temps qu’une satisfaction incomparable. Celui qui avait vaincu pouvait redescendre dans la vallée tel le vainqueur d’Alésia avec comme char son vélo et comme lauriers son casque.